Contentieux électoraux : Désiré-Israël Kazadi : la démarche de la Cour constitutionnelle pourrait jeter un discrédit sur cette instance

Contentieux électoraux : Désiré-Israël Kazadi : la démarche de la Cour constitutionnelle pourrait jeter un discrédit sur cette instance

Dans une interview accordée, le 28 juin 2019 à L’Interview.cd, ce juriste de formation et analyste congolais note que la démarche de la Cour constitutionnelle n’a rien de droit. A l’en croire, c’est la politique qui conduit à cette option prise par cette instance judiciaire de la RDC.

L’Interview.cd : Désiré-Israël Kazadi, bonjour. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Désiré-Israël Kazadi : Je suis juriste. J’ai fait le Droit privé judiciaire et je suis auteur de plusieurs ouvrages notamment sur la CPI.

L’Interview.cd : La procédure adoptée par la Cour constitutionnelle, dans le cadre des contentieux électoraux des législatives de décembre 2018, est-elle juridiquement acceptable, étant donné que les arrêts de la cour sont censés être sans appel ?

Désiré Kazadi : La démarche actuelle de la Cour pourrait bien jeter un discrédit sur son propre prestige alors qu’elle gagnerait en crédibilité puisque l’option de rectification telle qu’elle l’entend est bien malheureuse. D’abord puisqu’elle n’est pas la rectification réelle au sens de la loi mais aussi que la définition erronée donnée à la rectification ne revêt pas son sens premier. Conséquence : en cas de confirmation de ceux qui remplacent les invalidés, ceci donnerait lieu à un obscuri libeli et, plus grave, à une mauvaise direction.

L’Interview.cd : Toute chose restant égale par ailleurs, par cette démarche peut-on arriver à des résultats attendus par les invalidés ?

Désiré-Israël Kazadi : La Cour constitutionnelle est, effectivement, en audience en rectification d’erreurs matérielles en lien avec les élections législatives de décembre 2018. Lorsque j’interroge l’ordonnancement juridique auquel j’associe mon analyse, je note que la cour, par la procédure qu’elle a ouverte, est bien entre la politique et le droit. La politique, parce que les actes qu’elle pose à ce niveau ne ressemblent en rien en une instance saisie en rectification. Qu’est-ce qu’elle va rectifier? Les noms des invalidés ou les noms de ceux qui ont remplacé les députés invalidés? Or, la rectification, par essence, est minime, c’est-à-dire, l’élément à rectifier ne devrait nullement affecter la décision du juge. Ces audiences seraient valables si, par exemple, le Nom de Daniel Safu était écrit Danielle Safo. Ici, la rectification serait correcte puisque cette dernière porte sur les éléments de nom mais laisse la même personne qui s’y identifie garder son siège. Le ridicule, pour la cour, c’est avoir remplacé les députés proclamés par la Céni par d’autres et face aux pressions des invalidés, je dirai des politiques, cette cour veut à nouveau les réhabiliter.

L’Interview.cd : A vous entendre parler, la Cour ne pourra pas rectifier sa décision sur l’invalidation de ces députés proclamés par la Céni ?

Désiré-Israël Kazadi: Je parie que ceux et celles qui ont pu remplacer les députés invalidés n’avaient pas de preuves pour prétendre mériter les sièges puisque, de manière anticipative, la cour va revenir sur sa décision et confirmer les invalidés à leurs sièges de députés. Question : où alors sont parties les preuves ayant donné lieu à l’invalidation? La cour est restée plus politique que judiciaire puisque la décision à prendre est politique, confirmant l’adage très répandu qui dit : «Quand la politique entre au palais, le droit sort par la fenêtre».

Aussi, je dois vous rappeler par rapport à notre question principale que l’erreur de fait est liée à la révision tandis que l’erreur de droit est liée à la cassation. Toutes deux étant des voies de recours extraordinaires et que l’erreur matérielle est subsidiaire à ces deux voies de recours. Il y a lieu de noter que l’erreur matérielle, si elle doit exister sur un nom, ne porte que sur les éléments du nom et non sur l’ensemble du nom de peur d’en altérer le sens et donc de l’attribuer, par le fait de l’avoir substantiellement changé, à une autre personne.

Propos recueillis par Lucien Masidi