Joseph Kabila à Goma : Entre espoir et polémique en RDC

Joseph Kabila à Goma : Entre espoir et polémique en RDC
Goma, 18 avril 2025 Après une absence de plus d’un an, l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a fait un retour remarqué à Goma, ville stratégique de l’est du pays, ce vendredi. Cette arrivée, dans une région en proie à l’insécurité et sous contrôle partiel des rebelles du M23, relance les spéculations sur ses ambitions politiques et ravive les tensions avec le pouvoir en place à Kinshasa.

Joseph Kabila, qui avait quitté la RDC en décembre 2023 pour des raisons officiellement académiques, a annoncé son retour imminent dès le 8 avril dans une lettre adressée à Jeune Afrique. « Après six ans de silence absolu, une année d’exil et compte tenu de la dégradation du contexte sécuritaire, j’ai pris la résolution de rentrer sans délai », écrivait-il, précisant vouloir contribuer à la « recherche de la solution » à la crise congolaise.

Son choix de Goma comme porte d’entrée n’est pas anodin. La capitale du Nord-Kivu, récemment passée sous l’influence de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), dont le M23 est un acteur clé, est au cœur d’un conflit qui oppose les forces gouvernementales aux rebelles soutenus par le Rwanda. Ce retour, perçu comme un défi direct au président Félix Tshisekedi, a immédiatement suscité des réactions contrastées.

À Goma, l’arrivée de Kabila a été accueillie avec enthousiasme par une partie de la population. Selon des témoignages relayés sur les réseaux sociaux, les rues de la ville se sont animées de cris, chants et danses. « Kabila revient non pas comme une relique, mais comme un symbole d’espoir face à l’échec total de Tshisekedi », a écrit un utilisateur sur X, reflétant un sentiment de nostalgie pour l’époque de l’ancien président.

D’autres voix, cependant, expriment leur méfiance. « Le masque tombe, enfin. Kabila n’a jamais quitté le cœur du système qui alimente l’insécurité à l’Est », a dénoncé une autre publication sur X, faisant écho aux accusations du pouvoir selon lesquelles l’ex-président soutiendrait l’AFC et le M23, une allégation qu’il nie catégoriquement.

En choisissant Goma, Kabila envoie un signal fort : il se positionne comme un acteur incontournable dans la résolution de la crise dans l’est du pays, là où Tshisekedi peine à rétablir l’autorité de l’État. Dans une tribune publiée en février dans le Sunday Times sud-africain, il avait déjà critiqué la « mauvaise gouvernance » de son successeur, l’accusant de vouloir devenir « le maître absolu du pays » par la répression de l’opposition.

Pourtant, Kabila reste fidèle à son style énigmatique. Il n’a pas précisé ses intentions immédiates ni s’il compte s’installer durablement à Goma ou rallier Kinshasa. Ses proches, comme Raymond Tshibanda, coordonnateur du Front commun pour le Congo (FCC), laissent entendre que ce retour s’inscrit dans une stratégie politique mûrement réfléchie. « Que ceux qui prennent le taiseux pour un muet se détrompent », a-t-il déclaré en janvier, suggérant que Kabila n’a pas renoncé à ses ambitions.

À Kinshasa, l’annonce du retour de Kabila a mis la classe politique en alerte. Félix Tshisekedi, qui a régulièrement accusé son prédécesseur de soutenir les rebelles pour déstabiliser son régime, voit dans ce retour une provocation. « Kabila boycotte les élections et prépare une insurrection », avait-il déclaré en août 2024, pointant du doigt les liens supposés entre l’ex-président et l’AFC.

Le timing de ce retour, alors que Tshisekedi fait face à une crise humanitaire sans précédent dans l’est – avec des millions de déplacés et des violences quotidiennes – fragilise davantage son autorité. Certains analystes estiment que Kabila pourrait chercher à capitaliser sur ce mécontentement pour se poser en « homme du recours », voire préparer un retour au pouvoir à l’horizon des prochaines échéances électorales.

Le retour de Kabila à Goma intervient également dans un contexte de tensions régionales accrues. Le Rwanda, accusé de soutenir le M23, observe avec intérêt les développements à Goma. Certains se demandent si Kabila, qui a entretenu des relations ambiguës avec Kigali par le passé, pourrait jouer un rôle de médiateur ou, au contraire, compliquer davantage les pourparlers de paix.

Sa rencontre en décembre 2024 avec Moïse Katumbi à Addis-Abeba, où les deux hommes ont affiché leur opposition commune à une réforme constitutionnelle voulue par Tshisekedi, montre que Kabila tisse des alliances stratégiques. Ce rapprochement avec un ancien rival marque un tournant dans sa stratégie pour regagner de l’influence.

Le retour de Joseph Kabila à Goma est un coup de théâtre qui pourrait redessiner la scène politique congolaise. Entre nostalgie pour son régime, accusations de connivence avec les rebelles et espoirs d’une sortie de crise, l’ancien président polarise plus que jamais.
Pour l’heure, une question demeure : Kabila est-il de retour pour apaiser ou pour attiser les tensions ? Seule la suite des événements permettra de trancher. Une chose est sûre : dans une RDC au bord de l’implosion, chaque pas de l’ancien « raïs » sera scruté avec attention.
Zola NKOSI, L’INTERVIEW.CD