RDC : “La faim liée au Covid-19 pourrait tuer plus de gens que le virus lui-même” Oxfam

RDC : “La faim liée au Covid-19 pourrait tuer plus de gens que le virus lui-même” Oxfam
Inspection d'une zone agricole dans le Sud Kivu par une équipe de staffs Oxfam. Photo Alain Nkingi/Oxfam

Les paiements des dettes de la Corne d’Afrique, Afrique de l’Est et Afrique centrale aggravent la crise de la faim pour des millions de personnes.

Dans un communiqué de presse publié aujourd’hui, Oxfam avertit que la faim liée au Covid-19 pourrait tuer jusqu’à 12 000 personnes par jour d’ici la fin de l’année, ce qui pourrait faire plus de victimes chaque jour que la maladie elle-même.

Le “virus de la faim” révèle comment 121 millions de personnes supplémentaires (dans le monde) pourraient être poussées au bord de la famine cette année en raison des retombées sociales et économiques de la pandémie, notamment par le chômage de masse, l’interruption de la production et de l’approvisionnement alimentaires et la diminution de l’aide.

En Afrique de l’Est et Centrale (HECA), plus de 47 millions de personnes étaient déjà en situation d’insécurité alimentaire en raison de la triple crise des inondations, invasion de criquets et maintenant la COVID-19.

Lydia ZIGOMO, directrice régionale d’Oxfam pour la région HECA, a déclaré : “La RDC, l’Éthiopie, le Soudan et le Sud-Soudan étaient déjà tous confrontés à des urgences humanitaires et avaient un besoin urgent de financement lorsque la pandémie a frappé. La poursuite de la dette, à un moment où de nombreux gouvernements HECA sont déjà économiquement dévastés et réagissent à la pandémie, signifie que les efforts pour réduire la faim seront extrêmement difficiles. Les gouvernements donateurs devraient financer intégralement l’appel humanitaire COVID-19 des Nations unies afin d’atténuer les effets supplémentaires de COVID-19 sur la sécurité alimentaire. Les ministres des finances du G20, réunis plus tard en juillet 2020, doivent prendre des mesures audacieuses et urgentes pour s’assurer que les créanciers privés et les prêteurs multilatéraux annulent tous les paiements de la dette dans la région pour 2020 et 2021.

Le communiqué révèle les points chauds de la faim les plus graves dans la région HECA. Par exemple:

  • En RDC, où 15,6 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, le prix des biens produits localement, tels que le maïs, le manioc et le sorgho, avait augmenté de près de 50 % en avril 2020, par rapport au même mois de l’année précédente.
  • En Éthiopie, où 8 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, on estime que 356 000 tonnes de cultures céréalières et 1,3 million d’hectares de pâturages ont été perdus à cause des criquets à ce jour. Les restrictions de mouvement ont ralenti les mesures de contrôle des essaims et ont eu un impact sur la chaîne d’approvisionnement alimentaire.
  • Au Soudan, où 5,9 millions de personnes étaient déjà en situation d’insécurité alimentaire en 2019, COVID-19 a contribué à la faim. Pour la période actuelle de juin à septembre 2020, on estime que 9,6 millions de personnes connaissent des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë et nécessitent une action urgente.
  • Au Sud-Soudan, où 7 millions de personnes sont déjà en situation d’insécurité alimentaire, sept années de conflit prolongé et d’extrémisme violent ont forcé des millions de personnes à quitter leur foyer et ont eu un impact dévastateur sur la production alimentaire nationale dans un pays où 80 % des gens dépendent de l’agriculture pour leur subsistance. Plus récemment, des essaims de criquets pèlerins ont dévoré les cultures et les pâturages, et l’on craint que le fléau – qui se chiffre déjà en centaines de milliards – ne s’aggrave encore.

La réponse humanitaire étant sous-financée, les recettes fiscales en baisse et les prix des produits de base tels que le pétrole en chute libre, les fonds actuellement disponibles ne suffisent pas pour faire face à l’aggravation de la crise de la faim. Oxfam demande l’annulation de tous les paiements de la dette extérieure qui doivent être effectués en 2020 et 2021, car c’est le moyen le plus rapide de libérer les ressources nécessaires pour sauver des millions de personnes de la faim et garantir la reconstruction des moyens de subsistance.

“Les gouvernements doivent également s’assurer que les prêts supplémentaires et tout allègement dû à la suspension ou à l’annulation de la dette, soient canalisés vers des programmes qui aident les personnes les plus touchées. Ils doivent garantir la responsabilité et la transparence dans l’utilisation des fonds, et veiller à ce que l’élargissement de la protection sociale et l’augmentation du financement de l’agriculture figurent parmi les priorités”, a déclaré Corinne N’Daw, directrice d’Oxfam en République démocratique du Congo (RDC).

En avril, le G20 a approuvé une suspension d’un an de la dette de certains pays de la région. Si cette mesure apporte un certain soulagement aux gouvernements et libère des fonds pour soutenir la reprise, cette suspension est insuffisante. Elle devrait être étendue à toutes les formes de dettes multilatérales et privées. Plutôt que de suspendre les paiements, les prêteurs devraient annuler les paiements pour 2020 et 2021.

…fin…

Notes à l’éditeur

Le PAM estime que le nombre de personnes souffrant de la faim au niveau de crise – défini comme le niveau 3 ou plus de l’IPC – augmentera d’environ 121 millions cette année en raison des impacts socio-économiques de la pandémie. Le taux de mortalité quotidien estimé pour le niveau 3 et plus de l’IPC est de 0,5-1 pour 10 000 personnes, ce qui équivaut à 6 050-12 100 décès par jour dus à la faim en raison de la pandémie avant la fin de 2020. Le taux de mortalité quotidien observé au niveau mondial pour COVID-19 a atteint son point le plus élevé en avril 2020, avec un peu plus de 10 000 décès par jour, et a varié entre environ 5 000 et 7 000 décès par jour au cours des mois qui ont suivi, selon les données de l’université John Hopkins. Bien qu’il n’y ait aucune certitude quant aux futures projections, si l’on ne s’écarte pas de manière significative des tendances observées pendant le reste de l’année, et si les estimations du PAM concernant le nombre croissant de personnes souffrant de la faim au niveau de crise se confirment, il est probable que les décès quotidiens dus à la faim en raison des impacts socio-économiques de la pandémie seront plus élevés que ceux dus à la maladie avant la fin de 2020. Il est important de noter qu’il y a un certain chevauchement entre ces chiffres étant donné que certains décès dus à COVID-19 pourraient être liés à la malnutrition.

Communiquer Oxfam via L’INTERVIEW.CD