RDC – Tribune : Hausse des cours des métaux précieux : les régies financières congolaises appelées à mobiliser 2,778 milliards USD de recettes minières, au lieu de 1,389 milliard USD prévu pour 2021 (Par Me Constant Mutamba)

RDC – Tribune : Hausse des cours des métaux précieux : les régies financières congolaises appelées à mobiliser 2,778 milliards USD de recettes minières, au lieu de 1,389 milliard USD prévu pour 2021 (Par Me Constant Mutamba)

I. Aperçu contextuel

L’économie de la République Démocratique du Congo, cinquième productrice mondiale de cuivre et première productrice mondiale de cobalt, a largement tourné au ralenti depuis la chute des cours des matières premières au niveau du marché international.
Pendant cette période, les recettes minières es congolaises ont considérablement baissé. La croissance économique soutenue essentiellement par le secteur de l’industrie extractive, pourtant en nette progression vers les années 2014-2015, avoisinant les deux chiffres, a connu une chute vertigineuse.
Entre 2016 et 2020, l’économie congolaise a négativement été affectée par la baisse des cours des métaux précieux.
Cette situation a plongé la République démocratique du Congo dans une profonde crise financière.
Pour rappel, le cuivre dont la RDC demeure la première productrice en Afrique, est le troisième métal le plus utilisé au monde, derrière le fer et l’aluminium. Ce métal est l’un des plus anciens à avoir été exploité par l’homme, les premiers objets en cuivre datant de plus de 7 000 ans. Métal de couleur rougeâtre, le cuivre est un excellent conducteur thermique et électrique. Comme l’or et l’argent, il est ductile et facilement malléable. Le cuivre est très prisé de l’industrie électrique et électronique : fabrication de câbles, batteries, circuits électroniques, mais aussi dans la tuyauterie, les transports, ou la fabrication de pièces de monnaie. Le cuivre est aussi largement utilisé dans les alliages comme le bronze ou le laiton. Le cours du cuivre est particulièrement sensible à la conjoncture économique et peut subir de brutales variations.
Le cobalt qui est produit en quantité industrielle en RDC, est l’une des matières précieuses du présent et d’avenir les plus prisées au monde. A cela s’ajoutent le coltan, l’or, le diamant etc.

II. Prix des matières premières au second semestre 2020

Index
Valeur
Argent
26,775 $/oz
Cuivre
6 594,500 $/tonne
Etain
17 580,000 $/tonne
Ferro manganèse (HC)
1 048,500 $/tonne
PLOMB
1 964,000 $/tonne
Nickel
14 666,000 $/tonne
Platine
900,000 $/oz.tr
Tantale
65,500 $/lb
Zinc
2 466,5 $/tonne
Or
1 940,650 $/ once
Cobalt (cathode) 99.80%
28 800 $/tonne
Diamant
8 252,20 $/ carrat
Coltan
30 000$/ tonnes

III. Forte hausse des cours des matières premières

Entre mars et avril 2020, les cours des principaux métaux industriels sont tombés à des points bas depuis 2016, avant de rebondir très fortement, en lien avec la reprise de l’activité industrielle, mais aussi en raison d’un choc d’offre négatif sur la production minière dû aux mesures introduites pour contrer la pandémie. Entre mai 2020 et avril 2021, le rebond a été de 85% pour le cuivre de 59% pour l’aluminium, de 49% pour le zinc et de 40% pour le nickel, propulsant les cours bien au-dessus de leur niveau d’avant-pandémie. Mais la hausse a été en partie alimentée par la spéculation et par une forte reprise de l’activité industrielle en Chine. Avec la progressive normalisation de l’activité minière, le rebond est voué à s’estomper au cours des prochains mois, d’autant qu’il a été dopé par des exportations records de matériel informatique, tributaires des mesures de confinement des pays occidentaux. Néanmoins, compte tenu d’un fort acquis de croissance en début d’année, les cours devraient afficher des hausses très conséquentes en 2021, en moyenne annuelle.

IV. Cours actuels des métaux

Index
Unité
Valeur
Cuivre
usd/ton
10.114,50
Nickel
usd/ton
17.680,00
Etain
usd/ton
32.476,00
Plomb
usd/ton
2.202,00
Zinc
usd/ton
2.969,00
Cobalt
usd/ton
45 300
Or
usd/oz
usd/kg
1 883,91
60 569,76
Argent
usd/oz
27 887
Tantale
usd/lb
70,00
Wolframit
usd/ton
33 00

V. Raisons de la hausse des cours des métaux

De l’analyse comparative de nos deux tableaux des prix ci-dessus repris, il s’observe que les cours des métaux connaissent un véritable boom depuis quelques mois après leur dégringolade au début de la pandémie à covid 19.
Entre autres raisons de cette hausse, l’on peut citer, l’appétit chinois pour ces matières, la transition énergétique ou encore plans de relance.
Certains analystes pensent qu’il s’agit de facteurs conjoncturels qui pourront s’arrêter à tout moment.

L’appétit chinois
Si la tonne de métal rouge cotée au London Metal Exchange (LME) atteignait, le 19 mars 2020, 4.371 dollars – son prix le plus bas en quatre ans -, elle a plus que doublé depuis, autour de 9.000 dollars, et flirtait il y a un mois avec son plus haut historique de 2011, juste au-dessus des 10.000 dollars. L’étain et le zinc cotés aussi à Londres ont vu leur prix presque doubler en un an. Dans une moindre mesure, ceux de l’aluminium et du plomb ont connu des hausses de l’ordre de 50%.
La bonne santé économique de la Chine, berceau de la pandémie de Covid-19 mais seule grande économie mondiale à afficher l’an dernier une croissance de son produit intérieur brut (+2,3%), encourage la demande physique pour ces métaux de base.
À titre d’exemple, le géant asiatique achète pas moins de la moitié du cuivre extrait chaque année et cette embellie ne montre pas pour l’instant de signe de fatigue. Phénomène plus récent, les politiques axées sur la transition énergétique stimulent l’appétit pour ces métaux, indispensables à la construction des véhicules électriques, d’éoliennes ou de panneaux solaires.
Appétit accru pour le risque
Ce retour en grâce est aussi tiré en vrac par “les mesures de relance budgétaire, les taux d’intérêt mondiaux ultra-bas, un dollar américain plus faible et l’appétit accru des investisseurs pour le risque”, soulignent les experts de Capital Economics.
Les prix reflétant l’équilibre entre offre et demande, ils bénéficient enfin des perturbations de l’approvisionnement, que ce soit au sein des pays producteurs soumis à des mesures de restrictions de déplacement des biens et des personnes ou bien dans la logistique, fortement gênée par la pandémie.
“Supercycle”
Les observateurs de marchés s’interrogent sur une possible tendance de fond derrière la hausse impressionnante des cours. D’un côté, les analystes de Goldman Sachs ont professé en début d’année “le début d’un marché haussier structurel beaucoup plus long pour les matières premières”, ouvrant la voie vers un nouveau “supercycle”.
Le précédent “a eu lieu au début des années 2000, après le boom des exportations et des infrastructures de la Chine”, argumente Ian Hui, les plus anciens “ont coïncidé avec l’industrialisation et la reconstruction après des conflits et des guerres majeurs”.
D’autres sont plus circonspects. “La reprise soutenue de la demande et des prix n’est pas pour tout de suite”, avertit par exemple Capital Economics, mais elle pourra intervenir “dans le courant de la décennie, à mesure que les initiatives en faveur de l’économie verte atteignent une masse critique”.
En guise d’avertissement, une première correction a déjà été opérée parmi les métaux cotés au LME. Le cours du nickel, passé de 10.865 dollars en mars 2020 à 20.110 dollars fin février 2021, a chuté brusquement début mars autour de 16.000 dollars la tonne, et y stagne depuis.

VI. Prévisions budgétaires de recettes minières en 2021

Les recettes minières devraient rapporter 2.873 milliards de CDF (environ 1,389 milliard USD) au gouvernement de RD Congo, selon les prévisions des recettes du Budget 2021.
Ces rentrées financières minières représentent 31,8% des recettes courantes de l’année estimées à 9.021 milliards de CDF.
Elles sont en baisse de 20,7% par rapport aux prévisions de l’année 2020, fixées à 3.622 milliards de CDF.
En rappel, le secteur minier contribue pour plus de 20 % au PIB de la RD Congo, l’un des pays les plus riches au monde en matières premières. Premier producteur mondial de cobalt, le pays extrait également le cuivre, l’or, le coltan, le diamant, etc.
Ces recettes minières sont collectées par les trois régies financières dont la Direction générale des impôts (DGI) pour 1 816 670 352 070 CDF, la Direction générale des douanes et accises (DGDA) pour 395 081 832 443 CDF ainsi que la Direction générale des recettes administratives (DGRAD) pour 661 313 451 743 CDF.
Selon les prévisions 2021, les recettes minières en RDC proviennent essentiellement de l’impôt sur le bénéfice et profit (IBP) pour 999 417 955 354 CDF, des droits des douanes à l’importation pour 389 307 475 805 CDF, de la redevance minière pour 609 332 855 478 CDF ou encore de l’impôt sur les salaires des nationaux pour 222 135 196 078 2 CDF

VII. Mobilisation des recettes au-delà des prévisions budgétaires 2021

Autant la chute des cours des matières premières a négativement impacté sur la mobilisation des recettes en RDC, autant sa hausse produira naturellement l’effet inverse.
Les prévisions sur la mobilisation des recettes minières de l’année 2021 étaient sous-estimées à cause du contexte économique mondiale, qui reste frappé par la pandémie à covid 19.
C’est pourquoi, elles ont baissé de 20,7% par rapport aux prévisions de l’année 2020, selon les chiffres repris ci-dessus, soit de 3.622 milliards de CDF à 2.873 milliards de CDF.
Mais contre toute attente, ces prévisions s’avèrent loin de la réalité du marché minier international aujourd’hui, caractérisé par une forte hausse des cours des matières premières, qui ont quasiment doublé de prix.
A titre illustratif, le cobalt qui se négociait à 28 800 USD la tonne en 2020, se marchande aujourd’hui à 45 300 USD. Tandis que, le cuivre qui se négociait à 6 594 USD la tonne en 2020, se vend aujourd’hui à 10.114 USD.
Cette tendance haussière des cours des métaux sur le marché international, est non sans conséquences positives sur les recettes minières en République Démocratique du Congo.
Normalement, ces recettes minières sont appelées à doubler contrairement aux prévisions budgétaires de l’année 2021.
Elles devront donc passer de 2 873 065 636 256 CDF (1,389 milliard USD de CDF à 5 746 131 272 CDF ( 2,778 milliard USD).
Pour y parvenir, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo devra revoir les assignations initialement données aux régies financières sur le seuil des recettes qu’il attend de chacune d’elles.
Il devra également mettre en place un mécanisme de contrôle qui pourra lui permettre d’enregistrer les quantités des matières premières réellement produites par les opérateurs miniers, artisanaux comme industriels.

Me Constant Mutamba Tungunga,
Mandataire en mines et carrières.