États généraux de la justice en RDC : priorité à l’amélioration des conditions de vie des magistrats
Les États généraux de la justice, clôturés samedi 16 novembre au Palais du Peuple en présence du Président Félix Tshisekedi, ont abouti à des recommandations majeures pour la réforme du système judiciaire en République démocratique du Congo. Ce forum, qui a réuni magistrats, avocats, membres de la société civile et responsables politiques pendant dix jours, a mis en lumière plusieurs propositions destinées à moderniser et à renforcer l’efficacité de la justice.
Vers un Conseil supérieur de la justice renforcé
L’une des principales résolutions est la transformation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en Conseil supérieur de la justice (CSJ). Cette nouvelle structure, appelée à intégrer des délégués de la société civile et des avocats, serait présidée par le Chef de l’État ou, en cas d’empêchement, par le ministre de la Justice.
Pour concrétiser cette réforme, les articles 149 et 152 de la Constitution devront être révisés, et la loi organique régissant le CSM devra être adaptée. Cette refonte vise à renforcer la participation des parties prenantes non étatiques dans la gouvernance judiciaire, tout en alignant l’institution sur les défis actuels du secteur.
Réformes controversées et indépendance judiciaire
Parmi les réformes débattues figure la proposition de placer le ministère public sous l’autorité du ministre de la Justice. Bien que certains panelistes aient défendu cette mesure en argumentant que l’indépendance du parquet était déjà compromise par les injonctions ministérielles, elle suscite une vive opposition de la part des magistrats, qui y voient une menace pour l’autonomie du pouvoir judiciaire.
Autre sujet sensible : la suppression du visa hiérarchique préalable. Actuellement, chaque juge doit obtenir l’approbation de son supérieur avant de rendre une décision. Cette pratique, jugée contraignante, est considérée comme un obstacle à l’indépendance des juges dans leurs fonctions.
Renforcement des structures judiciaires
Les participants ont également plaidé pour une accélération de l’installation des tribunaux pour enfants, tribunaux de paix et tribunaux du travail dans les provinces, afin de rapprocher la justice des citoyens.
En parallèle, des privilèges spécifiques pour les huissiers de justice et la révision des dispositions constitutionnelles pour permettre la double nationalité ont été recommandés.
Le défi de la mise en œuvre
Les résolutions issues des États généraux de 2015 avaient échoué en raison d’un manque de volonté politique et de moyens financiers. Conscient de ces limites, le ministre de la Justice a proposé une augmentation du budget alloué au secteur judiciaire, de 2 à 5 % minimum, pour améliorer les conditions de travail et de vie des magistrats.
L’objectif est de commencer la mise en œuvre de ces réformes immédiatement après les assises, selon Constant Mutamba, un des rapporteurs du forum.
Un tournant décisif pour la justice congolaise
Ces recommandations, si elles sont appliquées, pourraient marquer un tournant décisif pour la justice congolaise, en renforçant son indépendance et en rapprochant les institutions judiciaires des citoyens. Toutefois, leur succès dépendra de la mobilisation des moyens nécessaires et de la volonté politique de concrétiser ces réformes ambitieuses.
Zola NKOSI, L’INTERVIEW.CD