Joseph Kabila annonce un retour imminent en RDC : Une nouvelle donne politique ?

Joseph Kabila annonce un retour imminent en RDC : Une nouvelle donne politique ?
Photo/Archive
Kinshasa, 8 avril 2025 Après des années de discrétion et un exil volontaire loin des tumultes de la capitale congolaise, l’ancien président de la République Démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a surpris l’opinion publique en annonçant son retour « sans délai » dans une lettre exclusive dévoilée ce mardi par Jeune Afrique. Cette déclaration, qui intervient dans un contexte de crise sécuritaire et politique persistante dans le pays, relance les spéculations sur les ambitions de celui qui a dirigé la RDC de 2001 à 2019.

Dans cette correspondance, Joseph Kabila, absent du territoire congolais depuis décembre 2023, affirme avoir pris cette décision après « six ans de silence absolu, une année d’exil et face à la dégradation continue du contexte sécuritaire » à l’est du pays, où les violences impliquant des groupes armés, notamment le M23, continuent de faire des ravages. « J’ai résolu de rentrer sans délai pour contribuer à la recherche de solutions », écrit-il, laissant entendre qu’il pourrait jouer un rôle actif dans la résolution des défis auxquels fait face la nation.

Ce retour annoncé intervient à un moment où le président Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, fait face à une contestation croissante, tant sur le plan interne qu’international. La gestion de la crise dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ainsi que les tensions diplomatiques avec le Rwanda, accusé de soutenir le M23, ont fragilisé la position de l’actuel chef de l’État. Pour beaucoup, l’annonce de Kabila pourrait être interprétée comme une tentative de se repositionner comme une alternative politique, voire comme un acteur incontournable dans un paysage national en pleine ébullition.

Joseph Kabila, qui vit principalement entre l’Afrique du Sud et d’autres pays de la région australe depuis son départ du pouvoir, n’a pas détaillé les modalités de son retour ni les actions concrètes qu’il envisage. Cependant, ses proches laissent entendre que ce comeback s’inscrit dans une stratégie mûrement réfléchie. « Le président honoraire n’a jamais abandonné son pays. Il revient avec une vision claire pour répondre aux attentes du peuple congolais », a déclaré un membre influent du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), la formation politique de Kabila.

Depuis plusieurs mois, des signaux laissaient présager une réactivation de ses réseaux. En janvier 2025, une réunion à Nairobi avait rassemblé d’anciennes figures de son régime, dont Emmanuel Ramazani Shadary et Aubin Minaku, tandis qu’une tribune publiée en février dans le Sunday Times sud-africain marquait sa première prise de parole publique depuis 2019. Dans ce texte, il critiquait vertement la gouvernance de Félix Tshisekedi, l’accusant de « tribalisme » et de « dérives autoritaires ».

À Kinshasa, l’annonce a suscité des réactions mitigées. Dans les rangs de l’opposition, certains saluent un possible renfort face à ce qu’ils qualifient de « régime en perdition ». « Kabila a l’expérience et les connexions nécessaires pour peser dans le débat », estime un cadre d’Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, bien que les deux hommes aient été des adversaires farouches par le passé. En décembre 2024, une rencontre entre Kabila et Katumbi à Addis-Abeba avait d’ailleurs alimenté les rumeurs d’une alliance potentielle contre Tshisekedi.

Du côté du pouvoir, l’annonce est accueillie avec suspicion. « Joseph Kabila cherche à semer le trouble alors que nous travaillons à stabiliser le pays », a réagi un proche du président Tshisekedi, rappelant les accusations récurrentes selon lesquelles l’ancien chef de l’État entretiendrait des liens avec des groupes armés dans l’est – des allégations toujours démenties par son entourage. « S’il revient, il devra répondre de son bilan et de ses responsabilités », a ajouté cette source.

Joseph Kabila reste une figure clivante en RDC. Héritier du pouvoir à la suite de l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, en 2001, il a dirigé le pays pendant 18 ans, une période marquée par la fin de la Deuxième Guerre du Congo, mais aussi par des accusations de corruption, de répression et d’élections truquées, notamment en 2011 et 2018. Son départ en 2019, sous la pression populaire et internationale, avait été perçu comme une victoire pour la démocratie congolaise. Pourtant, son influence n’a jamais totalement disparu, entretenue par un réseau fidèle et un statut de sénateur à vie.

Ce retour « sans délai » pourrait-il bouleverser l’équilibre politique actuel ? Pour l’heure, les Congolais oscillent entre espoir et méfiance. « Kabila connaît le pays, mais il porte aussi le poids de ses échecs », résume un habitant de Goma, dans l’est, où la population subit de plein fouet l’insécurité. Une chose est sûre : l’ancien président ne revient pas en simple spectateur. Reste à savoir si ce retour marquera un tournant ou une nouvelle source de tensions dans une RDC déjà à fleur de peau.

Zola NKOSI, L’INTERVIEW.CD